Diplôme en danse traditionnelle

Au début des années 2000, la question d’un diplôme en danse traditionnelle a refait surface. L’Atelier de la Danse Populaire a fait connaître sa position dans une lettre qui fut publiée dans le n°87 de Trad Mag (janv-fév. 2003) et que nous reproduisons ci-dessous.

La position de l’Atelier de la Danse Populaire (ADP)

Le projet d’un diplôme en danse traditionnelle refait surface. Qui demande ce diplôme ? Répond-il à une exigence de la danse traditionnelle elle-même ? ou bien à la demande d’animateurs désireux de bénéficier d’un statut officiel ?

On peut comprendre que des animateurs souhaitent avoir un statut assurant stabilité d’emploi et rémunération. Mais diplômer des instructeurs, c’est leur octroyer du même coup un label de compétence. Et là, on escamote le problème de fond, qui inclut au moins deux questions :

  1. Qu’entend-on par “les danses traditionnelles” ? Dans quelle mesure leur nature particulière (sans parler de leur saveur originale dans les performances paysannes) s’accommode-t-elle d’un enseignement sanctionné par un examen et un diplôme ?
  2. Qu’en connaît-on exactement ? Existe-t-il des gens assez compétents pour décerner ce diplôme ou pour l’obtenir ?

L’examen de ces deux questions conduit à nos yeux à renoncer à tout projet de diplôme. En effet :

  1. La danse traditionnelle, contrairement à d’autres types de danse, a toujours existé en l’absence de tout diplôme dans les milieux traditionnels. L’idée d’un diplôme et ce qu’elle implique — examen, enseignement, programme — est donc en soi un non-sens, en ce qu’elle nie la nature même de ce qu’on prétend transmettre.
  2. La compétence en danse traditionnelle est problématique. Les enquêtes sérieuses sont rares, leur exploitation hasardeuse. Chaque association, chaque fédération, chaque animateur se fait de l’objet une idée différente, toujours contestable et qu’on voit d’ailleurs se renouveler au gré de modes changeantes.

Que va donc cautionner un diplôme ? On va sélectionner des pratiques et en éliminer d’autres. Les choix effectués (savoir, savoir-faire) deviendront autant de modèles à reproduire et de leçons à transmettre. Reconnaître que nous n’avons pas les moyens d’un tel dogmatisme est une question d’honnêteté : il suffit de comparer la pratique actuelle (bals, festou-noz, enseignement d’associations, groupes folkloriques, cercles, etc.) avec le témoignage des documents ethnographiques pour en être convaincu et pour se rendre compte que notre revivalisme est fait de reconstructions, chorégraphies, fabrications et de codifications convenues.

On voit mal, dans ces conditions, qui pourrait avoir autorité pour dispenser quelque label d’authenticité ou de compétence que ce soit.

Resterait encore à aborder certaines questions essentielles sur lesquelles la réflexion n’existe pas à l’heure actuelle : évaluer la qualité d’un danseur, inventer une pédagogie appropriée à la retransmission de répertoires qui se sont transmis sans enseignement dans leurs milieux d’origine. Sans parler des institutions qui emploieront les diplômés : les écoles de musique ? le Conservatoire ? Cela pose d’autres questions : quel besoin a le Conservatoire de la danse traditionnelle ? Quel besoin a la danse traditionnelle du Conservatoire ? N’est-il pas dommageable de donner des répertoires pour adultes à un public d’enfants et d’adolescents ? La danse traditionnelle en sortira-t-elle indemne ? Qu’en restera-t-il dans trente ans ?

Enfin, le diplôme, qu’on le veuille ou non, va indirectement pénaliser une pratique associative qui, si dépourvue qu’elle soit d’exigence ethnographique, a le mérite d’être libre, récréative et diverse. Remettre en cause ces trois caractéristiques, c’est porter atteinte à l’esprit même de la danse traditionnelle.

Si des danseurs actuels sont demandeurs de connaissance, il n’est pas besoin de diplôme pour leur apporter information et formation : mettons sur pied des cours d’histoire et d’ethnologie de la danse, des cours de méthodologie critique. Nous en avons tous besoin. Restera à trouver à qui les confier.

Si l’on estime cette connaissance superflue, alors continuons de répandre ce qui s’enseigne actuellement. Mais dans ce cas, ne parlons plus de danse traditionnelle. Parlons de danses collectives, revivalistes ou folk.

Et en tout état de cause, renonçons à tout projet de diplôme, tant national que régional.