Présentation du document audiovisuel

Nous avons accompagné le livre «  Le Berry et ses bourrées  » d’un document audiovisuel donnant quelque idée de ce qui a pu être recueilli sur le terrain au lendemain de la seconde guerre mondiale.

1. Il commence par un travelling de Jean-Michel Guilcher (paysages, semailles) destiné à donner une idée de ce qu’était le Berry – en l’occurrence l’Indre – à l’époque de la recherche sur le terrain.

2 et 3. Le premier film montre des danseurs de bourrée filmés aux Grandes Poteries en 1949. Ci-dessous une présentation permettant de le comprendre et de le situer dans l’espace et le temps.

Genèse de l’enquête en Haut-Berry – 1949 – Les Grandes Poteries – La Borne – Neuvy-Deux-Clochers – Saint-Martin-d’Auxigny (d’après le compte-rendu rédigé par Paul Chauvin délégué UFOLEA à l’Inspection académique de Bourges).

Pierre Panis, instructeur national à la Direction de l’Éducation Populaire, proposa en 1948 à sa hiérarchie d’organiser un stage d’« enquêtes folkloriques » destiné à des membres ou animateurs de groupes folkloriques, élèves des écoles normales, instituteurs, professeurs d’éducation physique. Cette session devait être prise en charge par le Centre d’Éducation Populaire de Romagne (académie de Poitiers) et être une conclusion au stage de danses folkloriques qu’il y animait.

Les buts : « Recueillir, en Berry, des danses folkloriques ou populaires, des chants, des contes, des légendes, transmis de génération à génération. En résumé, revenir aux sources naturelles des traditions oubliées ou en voie de disparition, retrouver dans le peuple des moyens de culture populaire dont les ‘‘éducateurs’’ devaient bénéficier. »

Le stage n’eut pas lieu en 1948 par… manque d’essence (il fallait encore des bons de carburant à cette époque) et se réalisa en 1949. Paul Chauvin (délégué UFOLEA du Cher) avait envoyé des questionnaires de prospection préparatoire à un certain nombre d’instituteurs du département. Peu de réponses lui parvinrent, les plus intéressantes venant notamment :
— des Grandes Poteries (M. Alexandre)
— de Neuvy-Deux-Clochers (M. Buret).
Ainsi que d’informateurs qu’il rencontra à Saint-Martin- d’Auxigny.

Le stage a donc lieu du 18 au 24 avril 1949. La « moisson » de danses est riche (par le répertoire mais aussi et surtout par les styles des différents danseurs). Les commentaires écrits par Roger Pearron, Alexis Blanc, Paul Chauvin et Pierre Panis sont révélateurs de la surprise, de l’enthousiasme des stagiaires ainsi que de l’accueil chaleureux qui leur est fait.

À propos de la manière de danser :
— R. Pearron : « Il y a là aussi des jeunes qui font plus de fantaisie dans la danse – frappements de mains sous les jambes, tours sur eux-mêmes dans l’avant-recul ».
— P. Panis : « Nous nageons littéralement, nous avons très nettement l’impression que leur bourrée est improvisée et par là impossible à apprendre et à noter… Beaucoup de pas et de mouvements semblent fantaisistes cependant, ils semblent se reproduire régulièrement au cours de la danse ».
« Un garçon d’une trentaine d’années […] s’allonge à terre face à son partenaire deux mains au sol pendant le balancement », « jeu de jambes : croisé gauche devant – jeté droit arrière talon au cul… ».

L’idée de filmer ces danseurs ne tardera donc pas à devenir réalité.

Le film éducatif : document de travail

Présentation par Pierre Panis dans le bulletin n° 6 (juillet-août-septembre 1949) de la fédération Le Berry.

« Le 10 juillet dernier, les Services du Cinéma aux Sports ont bien voulu déléguer aux Grandes Poteries (où nous avions enquêté à Pâques et où j’ai passé mes vacances) deux de leurs meilleurs techniciens du film : MM. Bossès et Radenac qui, à mon sens, ont réalisé “un petit tour de force”…
En effet, un film ordinaire de court métrage demande parfois plusieurs jours ou semaines de tournage, alors que celui des danses des Grandes Poteries et de Neuvy-Deux-Clochers n’a été tourné que dans un temps record de quatre heures car il nous était impossible de demander à ces danseurs (pourtant si dévoués) de recommencer trente-six fois la même danse sous un soleil de plomb, dans un maximum de lumière, avec un minimum de fatigue.

Depuis, j’ai vu et revu le “bout-à-bout” du film (en 16 mm) dont le montage n’est pas terminé et la sonorisation pas encore commencée… Quelles danses étonnantes n’ai-je pas redécouvertes !
Tous ces hommes (danseurs traditionnels), occupés à cette époque de début de moisson, ne peuvent savoir à quel point je les trouve “d’extraordinaires danseurs” et aucun mot ne pourrait leur exprimer notre gratitude d’avoir bien voulu nous permettre de fixer leurs danses sur la pellicule, pour les besoins éducatifs de la Direction de la Jeunesse et des Sports.

En remerciements, dès le film terminé, j’irai moi-même le présenter à Neuvy-Deux-Clochers et aux Grandes Poteries à tous les habitants qui m’ont témoigné, au cours de mes vacances, une si complète compréhension et une si sincère amitié. »

Les danseurs ayant participé au film
Lucien Branger (cultivateur né en 1898)
Célestin Branger, oncle de Lucien (cultivateur ?)
Gabriel Joubert (facteur à Neuvy-Deux-Clochers, né en 1918)
Marcel Joubert (maçon, né en 1924) Mary Joubert (né en 1889)
Maurice Jacquot
Fernand Pezard (cultivateur, né en 1905)
Moïse Raffestin (cultivateur, né en 1925)
Fernand Robin (cultivateur, né en 1907)
Gontran Morizet (cultivateur, né en 1907)
Robert Millet (aubergiste, né en 1906).

• Remarques

Il est très important de comprendre, en regardant ce film, que les danseurs ont été sollicités, de manière exceptionnelle, pour venir danser tandis qu’un opérateur les filmerait. Il ne s’agit donc pas d’une occasion de danse habituelle telle que : veillée à l’auberge Panarioux comme il y en eut pendant de nombreuses années, fin de bal, rassemblement chez Ange Alabeurthe (maréchal-ferrant, coiffeur, aubergiste, danseur), fête locale…

Ces hommes ont dansé sur l’herbe sèche de l’été 49, ils glissent parfois, ne peuvent pas se laisser aller totalement à la danse comme nous les avons vu faire si souvent des années après.
Il n’empêche que c’est un témoignage précieux : certains des danseurs sont jeunes à l’époque du tournage, donc en pleine possession de leurs moyens physiques (Moïse Raffestin avait 24 ans ; Marcel Joubert, 25 ans) ; d’autres nettement plus âgés (M. Joubert père a 60 ans) ont une danse différente de celle des jeunes.

Rappelons que pour Pierre Panis, c’était un document « pédagogique » qui devait être visible dans tous les Centres d’Éducation Populaire et CREPS. C’est pour cette raison, qu’en introduction, nous le voyons faire la démonstration du pas de bourrée, de l’avant-deux et du balancement (avec passage au ralenti).

Le film était muet à l’origine. Il fut sonorisé plus tard : le vielleux qu’on entend (Jacques Vivant) n’est pas celui qu’on voit à l’image (où c’est Pierre Panis qui joue).
Cette post synchronisation (qui relevait de la mission impossible) nous offre des mélodies décalées par rapport aux mouvements des danseurs, l’utilisation à cette époque de caméra à ressort ajoute à cela de notables variations de tempo.
Nous avons donc fait le choix de présenter ce document sans le son ajouté afin de permettre une observation des danseurs sans perturbation aucune.

4. Le deuxième document est extrait d’un film réalisé par Jacques Griffon (assistant départemental Jeunesse et Sports) sur le stage de danses folkloriques et de vielle en août 1961 aux Grandes Poteries (Cher).

Pierre Panis a organisé pendant plusieurs années des stages d’été dans le petit hameau des Grandes Poteries. (Il aimait particulièrement ce lieu et s’était lié d’amitié avec nombre de ses habitants). Considérant que cela permettait aux stagiaires d’être en contact direct avec des danseurs traditionnels, il avait obtenu de sa direction cette possibilité de travail sur le terrain. Mais en homme passionné de spectacle folklorique, il réalisait en même temps chaque année un « festival de folklore » avec des groupes du Berry et un groupe d’un pays étranger.

Le moment de danse présenté ici se situe à la fin du spectacle donné par les groupes invités (en l’occurrence, cette année-là, des ensembles du Berry et de Hongrie) : un concours de bourrée est organisé sur le podium, les vielles et cornemuse de Georges Simon, Jeannette Parayre, Henri Duris font danser tout le monde.

Or là se juxtaposent trois pratiques de danse. Deux sont totalement revivalistes : les membres des groupes du Berry (en costumes folkloriques) et les stagiaires de Pierre Panis (citadins pour la plupart). L’autre se situe à la fin d’une pratique de danse traditionnelle : les danseurs « autochtones » des Grandes Poteries ou des environs.

Il est intéressant d’observer tous ces danseurs (même si le film est court), de constater le balancement, le mélange de souplesse et plus serrés et nerveux des citadins, les postures « charmantes » adoptées par les danseuses revivalistes (stagiaires ou appartenant aux groupes folkloriques) qui tiennent largement leurs jupes.

5. Le troisième film (muet), emprunté aux documents de Jean-Michel Guilcher, donne à voir une montagnarde en Bas-Berry (Saint-Gaultier), montrée par un homme seul : M. Lucien Baron. Alors septuagénaire, cet informateur ne dispose plus des moyens physiques qui furent les siens, mais sa prestation suffit à suggérer une manière d’accomplir les pas qui n’est pas celle observée aux Grandes Poteries.

6. Quelques secondes d’image au ralenti où l’on voit Pierre Panis danser avec Daniel Perrin lors d’une fête à La Châtre en 1954. Film de Roger Pearron.

7. Un enregistrement de bourrées chantées, soit au moyen de couplets, soit « à lanlère » (par M. Ange Alabeurthe, cabaretier, coiffeur et forgeron aux Grandes Poteries – enregistré par Jean et Madeleine Surnom vers 1955) ou interprétées à l’harmonica comme dans les bals clandestins sous l’Occupation allemande.